vendredi 26 novembre 2010

Droit des étrangers / Éloignement Rétention : la mauvaise volonté de l'avocat ne prolonge pas le délai d'appel Le premier président saisi en appel d'une ordonnance du JLD sur la prolongation de la rétention doit impérativement statuer dans les quarante-huit heures.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Vu l'article L. 552-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Attendu que le premier président, saisi de l'appel d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention statuant sur la prolongation de la rétention, doit statuer dans le délai de quarante-huit heures de sa saisine ;

Attendu que M. X..., de nationalité libyenne, en situation irrégulière en France, qui avait fait l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière et d'une décision de maintien en rétention, a interjeté appel, le 19 avril 2008 à 13 heures 15, d'une ordonnance d'un juge des libertés et de la détention rejetant les exceptions de nullité qu'il avait soulevées et ordonnant la prolongation de sa rétention pour une durée de quinze jours ;

Attendu que, pour considérer que sa décision, rendue le 21 avril 2008 à 13 heures 55, l'avait été en temps utile et confirmer l'ordonnance, le premier président retient que l'audience avait débuté avant l'heure limite et avait été suspendue en raison de difficultés indépendantes de la volonté du magistrat en charge de l'audience, à savoir la mauvaise volonté de l'avocat qui avait manifestement mis tout en oeuvre pour paralyser l'audience afin d'arriver à expiration du délai accordé à la cour pour rendre sa décision ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'expiration du délai précité, insusceptible d'interruption ou de suspension entraînait son dessaisissement et qu'il ne pouvait, en conséquence, se prononcer sur la prolongation de la rétention de M. X..., le premier président a violé le texte susvisé ;

Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Et attendu que les délais légaux de rétention étant expirés, il ne reste plus rien à juger ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'ordonnance n° 170/2008 rendue le 21 avril 2008, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six octobre deux mille dix.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ancel et Couturier-Heller, avocat aux Conseils pour M. X... 

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'ordonnance confirmative attaquée d'avoir rejeté les exceptions de nullité soulevées par M. X... et d'avoir ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de quinze jours ;

AUX MOTIFS QUE dans son acte d'appel, l'avocat de X... Hmidi a par ailleurs soulevé les mêmes moyens de forme qu'en première instance, à savoir : 1/ la violation de l'article R 552-5 du CESEDA 2/ la violation des droits de la défense 3/ la violation des articles 15 et 16 du NCPC et de l'article 6-1 de la CEDH 4/ la violation de l'article 78-2 du Code de procédure pénale ;

Que ces moyens ont été examinés par le juge des libertés et de la détention qui y a répondu, en les écartant, par des motifs pertinents, précis et complets que la Cour reprend entièrement pour siens ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE le conseil du défendeur invoque une violation des dispositions de l'article R 552-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux motifs, d'une part que l'avis d'audience n'a pas été reçu par l'avocat de la personne retenue comme le prévoit le texte, et d'autre part que l'avis d'audience délivré à la personne retenue doit être considéré inexistant puisque notifié par le greffe du juge des libertés et de la détention avant même la réception de la requête ;

Que sur la première branche du second moyen, l'article R 552-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que « dès réception de la requête, le greffier avise aussitôt et par tout moyen l'autorité requérante, le procureur de la République, l'étranger et son avocat, s'il en a un, du jour et de l'heure de l'audience fixés par le juge » ;

Qu'en l'espèce, le défendeur est présent à l'audience et est assisté de son avocat, d'où il résulte implicitement mais nécessairement qu'il a été satisfait aux dispositions de l'article susvisé concernant l'avis d'audience donné à l'intéressé et à son conseil ; que cet avis du reste, n'est pas soumis à un formalisme particulier, et peut être donné par tout moyen notamment verbal ou téléphonique ;

Que s'agissant de la seconde branche du moyen que le défendeur ne justifie d'aucun grief que lui aurait causé la prétendue inexistence de l'avis d'audience qu'il a reçu contre signature le 17/04/2008 à 19 heures ; que sa présence et celle de son avocat à l'audience impliquent qu'il a été satisfait aux prescriptions de l'article R 552-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

ALORS QUE dès réception de la requête, le greffier avise aussitôt et par tout moyen l'autorité requérante, le procureur de la République, l'étranger et son avocat, s'il en a un, du jour et de l'heure de l'audience fixés par le juge ;

De sorte que l'étranger retenu, qui a été avisé de l'audience du juge des libertés et de la détention la veille du dépôt de la requête du préfet n'a pas été régulièrement convoqué à l'audience, en violation de l'article R 552-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

ALORS QU'EN OUTRE l'avis d'audience irrégulièrement notifié à la personne retenue, antérieurement au dépôt de la requête et des pièces justificatives l'accompagnant, lui cause nécessairement un préjudice, en l'empêchant d'exercer ses droits de la défense, en violation de l'article 6-1 de la CESDH, ensemble l'article 16 du CPC ;

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'ordonnance confirmative attaquée d'avoir rejeté les exceptions de nullité soulevées par M. X... et d'avoir ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de quinze jours ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE dans son acte d'appel, l'avocat de X... Hmidi a par ailleurs soulevé les mêmes moyens de forme qu'en première instance, à savoir : 1/ la violation de l'article R 552-5 du CESEDA 2/ la violation des droits de la défense 3/ la violation des articles 15 et 16 du NCPC et de l'article 6-1 de la CEDH 4/ la violation de l'article 78-2 du Code de procédure pénale ;

Que ces moyens ont été examinés par le juge des libertés et de la détention qui y a répondu, en les écartant, par des motifs pertinents, précis et complets que la Cour reprend entièrement pour siens ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE le défendeur fait valoir que l'avis d'audience lui a été transmis sans l'assistance d'un interprète dans une langue qu'il comprend ;

Que toutefois, il ressort de la présence de l'intéressé à l'audience, assisté de son conseil, que le défaut d'interprète lors de la communication de l'avis d'audience ne lui a causé aucun grief ;

ALORS QUE lorsqu'un étranger fait l'objet d'un placement en rétention et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend ; qu'il indique également s'il sait lire ; que la langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure ;

D'où il résulte qu'en l'état des déclarations de la personne retenue indiquant comprendre et savoir lire l'arabe, l'avis d'audience, qui n'a pas fait l'objet d'une traduction, est irrégulier, en violation des dispositions des articles L 111-7 et R 552-5 du CESEDA ;

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'ordonnance attaquée, rendue plus de quarante heures après l'appel interjeté par l'étranger, d'avoir ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de quinze jours ;

AUX MOTIFS QUE Me Perrot, avocat de M. X... sollicite le dessaisissement de la Cour, le délai de la Cour pour statuer expirant à 13h15 ;

Que toutefois, il convient de rappeler que l'audience de la Cour – particulièrement chargée – avait débuté, en ce qui concerne les dossiers soutenus par Me Perrot, vers 11h, d'autres affaires ayant été examinées auparavant ; que cet avocat avait été invité à plaider, la Cour lui rappelant toutefois les délais auxquels elle était tenue dans les cinq affaires appelées en ce qui le concerne, et notamment en ce qui concerne le dossier de M. X... ; que Me Perrot a déclaré qu'il allait prendre « tout son temps », comme cela était son droit ; que la Cour a alors interrompu l'examen des affaires de cet avocat, afin d'examiner d'autres affaires aussi urgentes et a suspendu l'audience à 11h30 pour la reprendre à 13h, afin de permettre que soient rendues les autres décisions dont elle était saisie ;

Que dans ces conditions, et compte tenu de la mauvaise volonté de cet auxiliaire de justice, qui a manifestement mis tout en oeuvre pour paralyser l'audience afin d'arriver à expiration du délai accordé à la Cour pour rendre sa décision, il y a lieu de considérer que la décision a bien été rendue en temps utile, l'audience ayant débuté avant l'heure limite, et ayant du être suspendue en raison de difficultés indépendantes de la volonté du magistrat en charge de ladite audience ;

ALORS QUE le Premier Président doit impérativement statuer dans les quarante-huit heures de sa saisine ; que l'expiration de ce délai emporte dessaisissement de la juridiction d'appel, ce qui empêche le juge de statuer sur la demande et entraîne la caducité de la décision déférée de prolongation du maintien en rétention de l'étranger ;

Qu'en l'espèce, il résulte des mentions de l'ordonnance attaquée, dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux, que M. X... a relevé appel de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention le 19 avril 2008 à 13h15 ; de sorte qu'en se prononçant sur la prolongation du maintien en rétention de M. X... le 21 avril 2008 à 13h55, le Premier Président a violé les dispositions de L 552-9 du CESEDA ;

ALORS QU'EN TOUT ETAT le fait pour l'avocat de l'étranger d'indiquer qu'il allait prendre tout son temps pour plaider ne permettait pas au Premier Président, qui avait alors interrompu l'examen des affaires de cet avocat pour en examiner d'autres, puis suspendu l'audience à 11h30 pour la reprendre à 13h, de retenir la mauvaise volonté de cet auxiliaire de justice pour considérer que sa décision avait bien été rendue en temps utile ; qu'elle a ainsi violé l'article L 552-9 du CESEDA ;

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire